Chuis là, chuis pû là...là...pû là...

Les temps changent.
Le plus gros de l'hiver est presque passé. Les jours vont commencer à rallonger. Le froid a changé de nature, il ne mord plus pareil. Les semaines passent, et avec elles le temps écoulé depuis que mon dossier médical est entre les mains de l'ambassade. La sortie du tunnel se rapproche, mon petit doigt m'a dit de me préparer à prendre la lumière....

Et les choses concrètes ont vraiment commencé.

Les cartons reviennent hanter des coins de pièce, des renfoncements de placards, pour ne pas encore défigurer mon doux logis. Les étagères se vident, les placards se démontent. Certaines choses goutent une dernière fois de la lessive française avant d'aller dans des pochettes pour être compressées pendant des semaines avant de se réouvrir à un air d'ailleurs. Les meubles s'en vont, ils démarrent une autre vie chez d'autres personnes. Des murs se révèlent, que j'avais oubliés derrière des pans de livres par exemple. Des boites à n'importe quoi s'ouvrent et vomissent des quantités de rien qui ne sert à rien. Des sacs poubelle se remplissent et finissent à la benne. Des paquets de trucs quittent le domicile pour aller copiner avec d'autres trucs, sur une étagère d'un magasin de troc ou d'occasion. Des gens viennent chez moi, que je croise furtivement, pour embarquer un bout de souvenirs et réécrire l'histoire. Des heures de lecture partent chercher d'autres paires d'yeux, des heures de musique disent au revoir en espérant trouver d'autres mélomanes, des quantités de linge partent en quête d'un autre corps pour les porter.

Je vois disparaitre tout autant de bouts de mon histoire qui ne sont pas pour autant de bouts de ma personne. Ma personne, elle, retrouve de l'espace à chaque objet qui s'en va. Elle prend de pleines bolées d'air frais et n'accorde pas de place à la nostalgie. Tout est dans un coin de ma tête, les objets ne sont rien et ne parlent qu'à travers notre imagination. Ils ont beaucoup parlé, qu'ils aillent générer d'autres histoires ailleurs. Je me suis longtemps endormie en regardant les courbes de ma table de nuit. Bientôt, la paire ira dans la chambre de deux petites jumelles, qui à leur tour pourront démarrer leurs rêves en fixant ces lignes et ces arrondis. Que leurs rêves soient doux...

Je travaille aussi à ma disparition : désabonnements, résiliations de newsletters en rafale, dédits, fermetures de comptes, fin des relations avec le Trésor Public (espérons !), rétroplanning de cloture de tout ce qui devra l'être, dernier passage dans telle agence, chez tel assureur, etc etc...
Le courrier va bientôt commencer à se raréfier, de toutes façons il n'y aura pas de suivi international : manquerait plus que je recoive encore le catalogue Eveil et Jeux de la Fnac ! (un jour je voudrais savoir qui a coché quelle case pour que je me retrouve avec ce truc alors que je n'ai rien à voir avec les consos d'enfants, passons...).

Le compte à rebours a commencé. Je n'existerai plus sur les tablettes françaises aux alentours du 15 mai. Je serai sûrement déjà partie de toutes manières. Il ne manque plus que le sésame, la clé de la cité (pas d'or, pas grave) : le visa. Interdiction formelle d'impatience avant fin mars. S'il arrive aux dates prévues, il me restera un bon mois pour tout boucler.

"What do I think ? Rock & Roll..." *

* Rules of Attraction (B.E Ellis)