Le réconfort dans la fourchette

C'est une histoire de rapport à l'alimentation. Chacun a le sien, il n'y a pas de norme.
Il y a ceux qui s'en fichent et enchainent pizzas sur plats de pâtes. Il y a ceux qui n'ont jamais approché une marmite à moins d'un mètre et envisagent leur cuisine comme une zone thermo-nucléaire. Il y a ceux que leur nature contraint à ne pas manger certaines choses ou ne manger que certaines catégories d'aliments. Il y a ceux qui surveillent avec maniaquerie ce qu'ils se mettent dans le ventre, fervents défenseurs de la notion (on ne peut plus marketée) d'alicament.
Mais, tapis dans les replis de nos mémoires, en chacun de nous, il y en a un qui aime "l'aliconfort" : la nourriture qui fait du bien dans la tête avant tout, celle qui redonne le moral, celle qui nous fait sourire rien qu'en sentant l'odeur qui s'échappe de la cocotte, celle dont on se souvient à la date de consommation près. La COMFORT FOOD.

Ce n'est pas nécessairement une cuisine sophistiquée. C'est même souvent une cuisine simple, peu dispendieuse, qui se fait en un tour de mains, celle de nos grands-mères. C'est tout un ensemble de souvenirs à la fois physiques et psychologiques. Toutes ces choses que nous avons goûtées, année après année, qui nous ont éduqué le palais, qu'on savait pouvoir manger en allant chez Mémé, chez Tantine, chez Marraine. Ce sont souvent des mets qu'on associe même à une vaisselle, à une salle à manger ou un coin de table en formica dans une vieille cuisine bien de chez nous. Ils vont de pair avec une saison, avec des odeurs, avec des sons, avec d'autres personnes. Ils font partie de notre ciment

Alors quand un jour vient notre propre maturité culinaire, on tente sa chance. On relève ses manches, on entre dans la cuisine sur le champ de bataille et qu'est-ce qu'on fait ? Comme par enchantement, on se tourne vers une de ces recettes qu'on n'aura jamais besoin d'écrire, parce qu'on a un film dans la tête : grand-mère ou maman, dans son tablier en lin blanc, en train de brasser dans les placards pour rassembler les ingrédients, et enchaînant sous nos yeux d'enfants les étapes de la préparation. On se souvient que quand on a atteind un certain âge, on avait le droit de casser les oeufs. Un jour on a pu faire la vinaigrette de la salade. Un jour on a pris un fouet dans ses petites mains pour monter des blancs en neige.

Des années plus tard, on recommence. Seul dans sa cuisine, sans maman ni grand-mère pour nous montrer le chemin. Tout à l'instinct, tout à la mémoire, tout avec le sourire. On enfourne sa petite préparation, puis on la déguste. Il faut se faire à l'idée que ca ne sera jamais aussi bon que la version originale, pas grave : pour en arriver là il faut des années d'entrainement. Mais ca viendra, et en attendant la tradition est transmise.

Tout le monde a sa propre comfort food, en tous cas j'adhère à 400% à l'idée.
Moi, ma comfort food, ce serait, en vrac....

- Les bugnes de Maminou (number one for ever)
- Le gratin de choux-fleurs à la béchamel bien poivrée, bien gratiné
- Le gateau au yaourt avec zestes de citron (encore mieux quand tous les enfants étaient là)
- La blanquette (sans carottes, sinon c'est blasphème)
- Les profiterolles (sans glace vanille dans le chou, pas bon)
- Les poires Belle-Hélène, noyées dans la sauce chocolat bien chaude
- Les tomates farcies
- Les escalopes milanaises
- Le riz au lait (au chocolat sinon c'est pas drôle)
- Les oeufs mayo
- Les aspics (à la mousse de foie de volaille)
- Les quenelles maison de môman
- Le poisson vapeur
- Les patates en robe des champs, avec force persillade dans la robe
- Le gratin dauphinois de pôpa
- Les cuillères de miel quand on est enrhumé
- Les fruits de mer du Ghana (une fois à Noel mes cousins qui vivaient en Afrique en ont ramené une caisse entière. Il y avait toute la famille de la crevette au homard, le plateau était tellement énorme qu'il a fallu 3 hommes pour le porter à table + 2 saladiers de mayo : Myriam tu t'en souviens de ce Noel ??)
- Le zuchini bread (Dodie Stoner, ma mère américaine...je ne vous remercierai jamais assez)
- Le beurre de thon (avec hachis de cornichons, ail et aneth)
- Les chouquettes (du petit boulanger à moitié chauve, à la fosse aux ours)
- Le Bäkeof de Mamanlyli : oh la tuerie
- La potée de Magic JJ, à jamais...
- Les ailes de raie au beurre normand
- Les escargots de ma tantine (Myriam, tu auras, pour toujours, ma part de quenelles contre ta part d'escargots)
- Le carré d'agneau de mon tonton (graaaaaaah !)
- La ratatouille
- La faena (recette de la Piballe, bar de Contis, dans les Landes, souvenirs souvenirs...)
- Le négus (gateau double chocolat renforcé de ganache au chocolat noir, un attentat !)
- Les bananes écrasées
- Les lasagnes
- La moussaka (de mon pôpa)
- Le saucisson brioché (tout le monde n'a pas la chance d'être lyonnais, et oui...)
- Le gâteau de foie de volaille avec purée de tomates maison (même remarque)
- Le flan aux oeufs de Maminou, oh lalalalalala !!

Je n'ai pas eu besoin de me forcer pour que tous ces plats me remontent en tête, en vrac, comme une farandole de sensations heureuses. Il faut croire que j'ai été gâtée de naître au sein d'une famille de pareils gourmands gourmets. Quand je serai dans le grand froid canadien, dans des soirées hivernales glacées qui donnent envie de se terrer chez soi, il me restera toujours ma thérapie culinaire à une encablure de mémoire. Alors tout ira bien...

Quelqu'un a envie de m'en dire un peu sur sa comfort food ??

Comments

[Marie]

Oui les abricots !!! J'ai visualisé un plat de gratin d'abricots juste en validant l'article. Pis me suis dit que si tu passais par là tu complèterais sans doute : bingo ! ;)
Je cherche ma recette de zuchini bread : elle était sur un carton et bon, tu vois, juste un carton au milieu d'un océan de papiers...mais ne désespérons pas, tout peut toujours finir par arriver :s

[mymy]

Eh, c'est pas parceque j'ai deux ans de plus que toi que je suis deja gateuse ! of course je m'en souviens du Noel-gavage de gambas ! Sauf que moi j'aime po ca les gambas....
Le deal quenelles contre escargots me va a ravir !
Autre chose, je veux bien la recette du zuchini bread :-)
Ma comfort food a moi n'est pas tout a fait la meme que toi mais pas si eloignee quand meme. Je rajouterais la tablette de chocolat noir Poulain avec le gateau yaourt de Maminou sinon c'est pas tout a fait authentique. La soupe de ma meme, les beignets de courgettes de maman, les glaces au caramel (oh et puis toutes les glaces en fait), le salami du Negus (facon Gtounette), les gratins de crozets avec du reblochon fermier et les gratins d'abricots de Maminou, le poulet (de Bresse of course) aux morilles...