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MAGMA MENTAL
7 août 2008

Objet à haute valeur proustienne

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Le petit vaporisateur d'Anne

C'est le petit vaporisateur à parfum d'Anne. Le plus souvent, il était vide et calé dans un coin d'étagère, dans un grand placard à portes coulissantes où Anne rangeait ses affaires de toilette. Parfois je crois me souvenir de l'avoir vu rempli : s'il l'avait été, c'eut été de Coco Chanel, parfum à jamais associé dans mon esprit à la personnalité d'Anne.

Elle était née au début du siècle dernier au sein d'une famille nombreuse habitant Vienne, au sud de Lyon. Elle était infirmière, je me souviens même d'une photo prise dans la cour de son école d'infirmières avec ses copines de classe, où on voyait bien le soin qu'elle avait pris à placer son bandeau autour de sa tête. Car Anne était coquette. Elle avait la coquetterie discrète et élégante, mais jusqu'à son dernier souffle elle est restée concentrée sur sa mise en plis (si si).

Je ne sais plus trop comment, un jour elle a rencontré Albert, son futur mari. Un grand gaillard du nord dont je ne me souviens plus ce qui l'avait emmené dans nos terres du sud. Elle a alors quitté sa chère maman, ses frères, son clan...et est partie pour Lyon. Elle aura eu 4 enfants, dont 3 sont encore là. Elle aura laissé son empreinte dans la vie de bien des gens, tous orphelins depuis qu'elle s'est envolée. Il y a déjà 9 ans, par un triste lundi d'automne. Elle est de ceux dont on ne fait jamais vraiment le deuil, et quelque part c'est aussi bien ainsi. Ils vivent en nous, on porte chaque jour ce qu'ils nous ont légué, on voit souvent nos ressemblances, on entend encore l'écho de leurs paroles.
C'est à la fois douloureux et réconfortant de me dire que le son de sa voix ne disparaîtra jamais de ma mémoire, et de ressentir tout ce qu'elle m'a transmis. Il sera dur d'être une aussi bonne personne qu'elle l'a été, mais ce serait tellement plus dur si je n'avais pas grandit auprès d'elle.

Anne était une femme aimée de son entourage, qui l'appelait Nanou. Un petit bout de femme de même pas 1m60, avec une peau douce et des mains fines. Un talent inégalé dans l'art des bugnes, du gratin de choux-fleurs, de la blanquette et du flan au caramel. Une vraie maman et une grand-mère comme on rêverait d'en avoir.

Un jour, Anne m'a dit que j'étais la plus petite, et que je devais donc prendre le vaporisateur ainsi que le poudrier et la fiole de parfum qui allaient avec. Je les ai longtemps regardés sans oser les ouvrir. Puis un jour je les ai ouverts, sans les utiliser pour autant. Puis un jour j'ai enfin nettoyé le vaporisateur pour le remplir d'une eau de cologne bien classique, à l'ancienne. Et maintenant je m'en sers, assez souvent même.
Quand ce sera mon tour, un jour dans très longtemps, le vaporisateur et ses consorts devront passer entre les mains de la plus jeune de la génération suivante. Au rythme où vont les choses, il reviendra à Juliette. Elle qui petite déjà, disait qu'elle aurait aimé connaître Anne et Albert, en regardant une photo d'eux prise lors de l'un de leurs anniversaires de mariage. Anne a instauré une tradition, qui sait peut-être qu'elle tenait ces objets d'une autre de ses aieules : alors après moi, ce sera Juliette.

Anne était ma grand-mère, la meilleure entre toutes. Quand j'étais petite, je m'emmêlais complètement les pinceaux entre les prénoms et les surnoms des membres de ma famille. Mamie s'appellait Anne mais tout le monde l'appelait Nanou, alors je l'ai appelée Maminou. Ce surnom fut ensuite adopté par sa clique de petites filles, ce qui m'a encore plus bercée dans l'idée (d'enfant) que c'était vraiment son nom. Pour moi, Anne sera toujours Maminou, ma madeleine proustienne préférée.

Ce vaporisateur me rappelle Maminou, avec émotion et bonheur, now and ever.

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Commentaires
M
A vrai dire quand j'ai écrit j'ai pressenti comment tu le prendrais. Mais tu vois, il y a bien longtemps que je ne retiens plus mes larmes quand mes souvenirs remontent ou quand un détail me renvoie à Maminou. Je m'y suis faite et c'est devenu indolore.<br /> Pour le gateau au citron, tu sais il ne faut pas négliger la magie du four avenue Jean Jaurès. En gros avec un gros four au gaz, je peux le refaire. Avec mon équipement d'hyperurbaine, c'est mort.<br /> Quant aux bugnes, je crois qu'il n'y a plus que toi et moi pour attaquer cet Everest. Prochaine fois qu'on se voit (Noel ?), il faudra qu'on essaie. J'ai en mémoire tous ses gestes et Tonton JPierre a la recette. Faut bien qu'on se lance et tant pis si on se loupe : ca nous vaudra le droit de tout manger toutes seules !!!<br /> Ah là je te sens motivée tiens...
M
Marie, tu devrais pas me faire un truc pareil...<br /> Mon clavier est tout mouille a cause de toi, mais j'ai la larme facile.<br /> Je suis completement d'accord avec toi et sur tout. C'etait la meilleure grand-mere qui soit et son souvenir est toujours tres present en moi. Il n'y a que des choses douces et positives qui me reviennent quand je pense a elle. As-tu jamais reussi a faire un gateau yaourt aussi bon que le sien ? avec des carres de chocolat Poulain pour accompagner ? moi non.... pourtant j'en ai fait des gateaux yaourt maminou ! Quant aux bugnes, je n'ose meme pas m'y aventurer car je sais que je ne lui arriverai pas a la cheville...<br /> Je ne savais pas que tu avais herite de ses accessoires de beaute mais je suis tres heureuse de voir que tu les conserves avec tant de respect. Juliette serait tres flattee de les avoir un jour mais qui sait, tu nous feras peut-etre une petite canadienne ! Non ?
MAGMA MENTAL
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