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MAGMA MENTAL
2 juin 2008

La nuit je mens

Ça se passe souvent comme ça.
Le dimanche, c'est le jour où Dieu lui-même a décidé qu'on devait glander...ce qui implique de tirer des grasses matinées presque aussitôt suivies de siestes, au mieux entrecoupées d'intervalles passés devant les documentaires de Planète avec un niveau d'activité cérébrale proche de zéro.
Après tout ce repos, en fin de dimanche, en presque lundi, on ne dort pas. Je ne dors pas en tous cas. Alors je m'offre la nuit.

Dans ces moments, me revient invariablement le même air, entendu maintes fois durant ces après-midis où je squattais les disques de mon oncle (mon maître à vie en matière de mélomanie), cet obsessionnel de Bashung :
On m'a vu dans le Vercors...Sauter à l'élastique...Voleur d'amphores...Au fond des criques
Je peux l'écouter en boucle, on dirait que je n'entends rien d'autre que "nuit"

La nuit je mens, je prends des trains à travers la plaine...La nuit je mens, je m'en lave les mains.

J'ai dans les bottes des montagnes de questions où subsiste encore ton écho

Car dans ces nuits qui arrivent sans prévenir et où on ne trouve pas le sommeil, c'est vrai qu'on prend des trains, à travers de vastes plaines. Celles de notre imaginaire, de notre mémoire, de notre mental.

La nuit est perçue par beaucoup comme le siège des tréfonds, de l'obscurité qui éveille la peur, des mythes qu'on croirait inventés rien que pour faire peur aux enfants et leur fournir un semblant de bien-fondé sur pourquoi ils doivent aller dormir. On parle de la mort comme la nuit de la vie, aussi.
Pourtant, la nuit n'est qu'un passage, entre la fin d'une chose et le début de la suivante. Elle est un moment de grand calme, où la vie se ressource, où l'esprit le peut aussi. C'est un spectacle enivrant, de palper la fin du jour, de pratiquer la nuit et d'assister au redémarrage du lendemain. Ne pas avoir dormi pendant ce temps, sans que ce soit pour cause de beuverie aggravée, me donne à chaque fois l'impression de renaître.

Car durant ces nuits sans sommeil, on laisse son corps se fatiguer doucement, on palpe la douceur de ces heures drapées de silence. On enlève ses bottes, on en sors ses montagnes de questions, on écoute son propre écho. On relit sa propre mémoire et alors les pensées se libèrent. Parfois, on est contemplatif : on se contente de lectures ou de cinéma ou de docus, le tout à coup de verres de lait (le lait bu la nuit a forcément des vertus sur la santé, c'est obligé...). Parfois, on est perdu : comme les fois posée sur le balcon, un coup les yeux ouverts, un coup les yeux clos, en pleine promenade dans ma tête. Parfois, on est productif : nombre de gens écrivent ou composent leurs symphonies en pleine nuit, grâce à la nuit.

Et au petit matin, c'est comme si on avait vidé sa bibliothèque pour la ranger différemment. Pour accéder facilement à nos livres préférés, caler dans un coin ceux qu'on a tellement lus qu'ils en sont tout cornés, ranger tout en haut ceux qui ne servent jamais et qu'on garde pour le décor ou parce qu'on nous les a offerts (ça, je traduis : ce sont les boulets qu'on se traîne). On finit par aller se prendre un petit café/biscuit et on dort une heure ou deux avant de retourner dans la lumière et dans les interférences du jour.

La nuit, on est tous des menteurs, sauf si on reste un peu éveillé...

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