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MAGMA MENTAL
30 mai 2008

Les chasseurs de la forêt perdue

Alors ça, j'adore.
Ce matin, comme tous les matins, le réveil sonne trop tôt. Je me tortille entre les draps en gémissant sur mon sort et en négociant avec ma conscience quelques minutes de sommeil supplémentaires. Le réveil, cet enfoiré de jouet technologique programmé pour martyriser son propriétaire, resonne au bout de 9 minutes. Comme chaque jour à la même heure, j'ai envie de l'exploser contre le mur ou de le passer par la fenêtre. Ce qui m'en empêche, c'est juste que je n'ai pas encore ouvert la fenêtre. La petite mécanique du "se lèvera, ne se lèvera pas" se répète ainsi plusieurs fois, jusqu'à ce que je m'extirpe du sanctuaire de mes rêves.

Ensuite, en bonne occidentale pourrie de jouets à électricité, je lève le volet et ouvre la fenêtre. Devant moi, il y a un boulevard. J'entends des voitures retentir de leurs broum broum sur le bitume, bruit qui se mêle à celui du métro qui fait "taboum...taboum....taboum" à chaque wagon claquant sur les rails. Et puis je fais quelques pas laborieux vers le 1er engin d'absolue nécessité: la cafetière. J'appuie sur un bouton, un voyant vert s'allume pour me confirmer que le dialogue entre la machine et moi est ouvert. A côté, il y a une boite transparente avec des capsules de toutes les couleurs que je paie une vraie fortune (merci les cadeaux de riches...) et j'essaie d'activer la liaison entre vue et mémoire pour aller choper une capsule jaune. La jaune, c'est celle du matin, pour un café long et corsé. La capsule se loge dans un compartiment moulé à cet effet, ensuite on abat un bras dessus, ensuite on bouge une manette et "breuuuuuuuuumbreuuuuuuuuum....", l'eau monte, passe dans la capsule et se verse dans la tasse. Tasse que j'ai évidemment soit achetée dans une grande enseigne de déco ou d'ameublement, soit reçue en cadeau de je ne sais quel VPCiste. Parce que je suis une consommatrice occidentale.

Après ça, je fais un tour dans le salon café à la main, pour aller ouvrir la porte-fenêtre. Dans la pièce, il y a déjà deux ordinateurs et une chaîne hi-fi avec jukebox pour 50 CD. Comme si j'avais besoin de ça. Puis je pars dans mon bureau. Là, un troisième ordinateur avec écran géant, encore plus balaise que les 2 premiers. Alors je m'assieds, chausse mes lunettes et lance Netvibes. Parce que je suis une automate qui ne sait plus vivre sans l'interweb. Le temps que ma vue se cale à l'aide de lunettes que je n'aurais pas non plus si je n'étais pas une consommatrice occidentale, je parcours les grands titres. Tous les jours, des sales nouvelles. Des choses qui se passent loin de moi mais qui arrivent à des gens qui pourraient être à ma place, où que ce soit, quels qu'ils soient. Parfois, des nouvelles qui me font marrer mais ça c'est parce que je suis un sale bête cynique (non, je ne ris pas du malheur des autres, par contre je ris beaucoup des conneries du nain de l'Elysée. Avoir voté sans le savoir pour un long sketch de 5 ans, et surtout à contrecoeur, ça me fait rire).

Et là, dans une des lignes fouillis du Monde, je trouve ça, à la rubrique "Environnement, Sciences" (et pourquoi pas "faits divers" tant qu'on y est ?) : "Une tribu isolée découverte au Brésil"

indiens_br_sil2

Et l'article parle de cette peuplade qui n'avait jamais été identifiée jusque-là. D'un type de la Fundacão Nacional do Índio, qui explique modestement "accompagner" les indiens des forêts depuis 20 ans, et reviens brièvement sur les risques liés à la déforestation et sur les conséquences calamiteuses que cela aura pour les peuples amazoniens.

Regardez-les, ces 6 chasseurs (je sais ils sont petits mais regardez bien il y en a 6). Ce village de quelques huttes à durée limitée, toutes des maisons collectives comme le veulent les traditions des peuples indiens. Regardez leur morphologie, leur posture défensive, leurs armes archaïques, supputez leur mode de vie, leur régime alimentaire, leur espérance de vie. Revenez des siècles en arrière, puis repensez au réveil, aux ordinateurs, à la machine à café à dosettes générant du déchet à ne plus savoir qu'en faire. Leur quiétude menacée face à notre escalade vers le grand n'importe quoi.

Et de me demander ce que serait ma vie si j'étais née ailleurs ou à une autre époque. De refaire ce rêve tenace depuis l'enfance : si j'avais un pouvoir magique, je voudrais pouvoir me déplacer dans le temps et dans l'espace. Je voudrais apprendre nos différences...

La dernière fois que j'ai lu un article sur une telle découverte, c'était dans un numéro de Géo. La peuplade en question vivait sur une île dans l'océan indien. Le journaliste les avait rencontrés, pris en photo (volé leurs âmes...), mesurés sous toutes les coutures à l'aide d'un médecin et d'un anthropologue : la science attestait qu'ils étaient dans le même état de nous autres, les mangeurs de McDo avec Wifi intégré dans le cerveau, des siècles auparavant. Que c'était la tectonique des plaques qui avait scellé leur sort. Et l'article s'achevait par l'évocation du rouleau compresseur qui leur était destiné : soit les ambitions militaires indiennes (faire de cette terre une arrière base militaire), soit les ambitions immobilières de je ne sais plus quelle chaîne hôtelière qui en aurait bien fait un paradis pour victimes de la Wifite aiguë.

Je n'ai même pas de conclusion à donner. Si ce n'est que j'aimerais pouvoir mourir dans un monde où la diversité existera encore. Et où ces indiens d'1m30 les bras levés continueront à chasser, à grimper dans les arbres pour y cueillir leurs fruits...et où loin, loin d'eux, naîtront des enfants aussi gros que les leurs à 4 ans, avec une cuillère en alliage du futur dans la bouche... ;)

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Commentaires
J
je les ai vu également. IMPRESSIONNANT! anti modernité au plus haut point. Se dire qu'ils arrivent à vivre ou survivre sans Nespresso, ordi et web.... Ca fait rêver!
MAGMA MENTAL
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