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MAGMA MENTAL
26 octobre 2007

48h de pouls québecois

Pendant mes deux autres journées à Québec, considérant que j'avais parcouru à pieds le plus intéressant de ce qu'il y a à y voir, je me suis concentrée sur les musées et les cafés. Un autre facteur fut déterminant : une anglaise dans mon dortoir, très imbibée, qui signifiait bruyamment sa présence aux alentours de 4h du matin, en perdant chaque nuit quelques bouts de son maigre cerveau. Cerveau qui devait flotter dans la cuve d'alcool lui tenant lieu de boite crânienne, puisque les corps légers et évidés ont une légère tendance à flotter...Bref, grâce à elle, la grasse matinée devenait une obligation. Et j'attaquais donc mes journées vers 11h, après 1/2 litre de café (non pas du jus de chaussette américain je vous prie, oui du tord-boyaux européen là, voila, bien noir et bien sucré merci. Non gardez votre lait tellement gras qu'on dirait le fond du pis de la vache digne d'un reblochon. Bien noir et bien sucré. Voila...).

P1020979Pour commencer, j'ai visité le musée de "l'Amérique Française", tout un poème déjà en soit...situé dans l'enceinte du Séminaire de Québec. Autrement dit le fief des cathos rigides arrivés avec les matelots ignares aux tous débuts de l'aventure. Un site devenu progressivement un internat pour garçonnets de bonne famille, puis jeunes kids d'un peu partout, puis un modèle d'éducation "à la française" (mais parlant d'une France d'un autre temps). Avant de pénétrer dans le corps du musée, on parcourt des allées à l'intérieur du séminaire qui est encore aujourd'hui un lycée mixte. Drôle de sensation car l'atmosphère m'a pas mal rappelé mes 7 ans chez les frères Chartreux. Un quelque chose d'intemporel où circule du concentré de connaissance, toute une philosophie de l'éducation qui se veut humaniste mais qui en réalité pratique des méthodes archi rigides sur arrière-plan catho parfois un poil rétrograde. Mais il y avait un petit bout de madeleine proustienne dans ces lieux, c'était marrant.

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Dans le musée, on mesure combien la religion a pesé dans la trajectoire du Québec. A une époque de monarchie de droit divin, l'intention politique de la couronne avait été de recréer une nouvelle France, purgée des vices de la métropole, plus unifiée que ne l'était la France d'alors, de se donner une nouvelle chance en mettant en exergue ce que cette France avait de bon. De générer une nouvelle lignée française meilleure que la première, quelque part une France qu'on voulait encore plus française. Saine, vertueuse, travailleuse, morale. En lisant tous ces panneaux, j'ai le sentiment de mettre le doigt sur un des noeuds des relations entre nos deux peuples. Je lis que le ferment québecois est alimenté d'élitisme (j'entends aussi les débats actuels sur l'existence bien réelle d'un vilain racisme dans la province) et je sens souvent que le Québec s'est développé au moins pour partie sur cette base (exemple : l'idée de parler le "vrai" français, authentique parce que plus ancien et non "dénaturé" par le mixage culturel, tel que la métropole l'a connu). En face, je sais que les français, fiers comme Bartabas, sont les champions du mépris et que cela n'épargne pas les cousins québecois. Finalement, s'agirait-il tout simplement de deux lignées d'un même peuple qui seraient atteintes du même symptôme ?
C'est un débat complexe. Nous nous ressemblons beaucoup et pas que par le maniement de deux variantes d'une même langue. Pourtant chacun a son histoire et évolue dans des directions différentes. Nous sommes liés, cela me paraît indéniable, même si les québecois ont beaucoup rejeté leur lien avec la France pour marquer leur identité. Le sujet véhicule une sorte de malaise, que j'ai trouvé assez palpable à chaque fois que j'ai mis un pied dedans durant tout ce voyage (et pas uniquement chez les francophones).

Le soir, j'ai refait un tour de la vieille ville en mode nuit. Pour profiter des éclairages et me marrer en regardant les gens se prendre des gadins sur la patinoire installée à l'entrée de la vieille ville, place d'Youville. Avec la musique typiquement québecoise en fond sonore, ils glissent, tranquilles. On dirait presque qu'ils dansent. Durant la soirée, je m'adonne à une des joies de la vie au Québec : pouvoir traîner le soir dans un Archambault. Comme une grande Fnac mais en juste 1000 fois mieux. Parce que les québecois, s'il y a bien un truc sur lequel ils n'ont de leçon à prendre de personne, c'est la musique. Alors un Archambault, déjà en général c'est immense. Avec un choix de CD, DVD, livres, BD et magasines à vous faire baver des litres. Et même des instruments de musique que vous avez le droit d'essayer sur place. Et pleins de bornes d'écoute pour goûter aux CD avant d'acheter et consommer jusqu'à l'épuisement. Bref, le pied.

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Le dernier jour, je me suis promenée en dehors de la vieille ville, dans des quartiers plus récents, pas jolis jolis, pas des masses inspirants. Mais sortir du ghetto à touristes présente l'intérêt de me rapprocher de la tour Loews Concorde. Et en haut de cette tour, de l'Astral, restaurant panoramique qui offre chaque midi un buffet gargantuesque pour 20$ (là où n'importe quel Rital du centre touristique vous facture 25$ pour une assiette de nouilles que même en sachet lyophilisé ce serait pas pire...). Alors c'est le lâchage, je mange pour deux repas car ce soir pas moyen de dîner.

Et la vue vaut le déplacement, d'autant que le soleil est de retour pour l'occasion :

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En sortant de là (double size me), je suis juste à côté des plaines d'Abraham et décide de prendre une marche digestive sous un chaud soleil. Je me pose sur un banc, regarde le St Laurent, les passants, les enfants qui jouent. Je reste là une partie de l'après-midi à bouquiner avant de prendre le chemin de l'auberge, récupérer mon sac en consigne et marcher lentement, très lentement, vers la gare. Où je reprends un train pour Montréal, puis une fois à Bonaventure, reprends un train pour Deux-Montagnes, et arrive chez mes cousins dans la soirée.

Nous sommes vendredi soir, je n'ai plus qu'une journée sur le sol canadien. Et je ne sais pas si je suis triste que ça se termine ou quelque part un peu contente de retrouver mes pénates. J'ai trop de choses dans la tête, tout est encore frais, le magma est activé et ma tête continuera à voyager encore un moment après le retour. Pour ne pas que ça s'arrête...jusqu'à la prochaine occasion de ressortir mon sac à dos...

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