Ladies and gentlemen...shortly we will be in St John's

J'étais assise dans l'avion en train d'admirer le paysage par le hublot, quand le commandant de bord a annoncé le message. Peu avant, j'avais émergé d'entre deux vagues de sommeil pour observer une bande de terre archi sauvage et perdue au milieu des vagues : les îles de la Madeleine. Plus tard, j'ai appris que j'avais eu de la chance de les voir car le ciel d'ici est capricieux, donc la voie aérienne vers St John's ne les survole pas forcément et de toutes façons sous les nuages....on ne voit pas toujours grand chose.

Sous mes yeux, des terres brunes presque dénudées de végétation, escarpées et rongées par l'eau. Et puis surtout, l'océan. Oh la vache que c'est grand l'océan ! La dernière fois que je me suis remis une notion d'échelle dans la tête, c'était en survolant le Sahara. Et j'avais au moins autant halluciné sur la taille de la planète. Je suis un pin's insignifiant me dis-je, alors que dans quelques minutes, je foulerai le sol de Terre-neuve.
Terre-neuve dont je préfère encore le nom en anglais : Newfoundland. Il faut se l'imaginer prononcé dans un résidu d'irlandais quasi moyenâgeux : "Noufonnlained" En vrai ça donne le ton : brut de décoffrage. 

Sous le ciel orange du coucher de soleil, une couche de nuages. Sous la couche de nuages, St John's. A 1h30 de décalage horaire par rapport à Montréal, ici la journée touche à sa fin. En sortant du minuscule aéroport, le ciel commence à se donner en spectacle, avec ses nuages qui forment des objets marrants et vous racontent plein d'histoires comme quand vous étiez petits. En rentrant dans un taxi je constate qu'Anthony (de South River, époque ontarienne du voyage) n'avait pas menti sur l'accent d'ici ("You're gonna have a hell of a time"). Le chauffeur essayait juste de me dire combien la course allait coûter et je lui ai fait répéter 3 fois pour comprendre "seventeen and fifty". Pourtant je ne suis pas la dernière des mules en anglais alors imaginez...arf folklore local...

Vers 19h je me retrouve devant la maison de mes hôtes, une maison bleue située en face de l'université et  habitée par une brochette de profs. Nadia, la française de la bande, arrive 5 minutes après moi et nous passons la soirée ensemble. Ça me fait drôle de parler ma langue à quelqu'un qui n'a pas d'accent ! On finit par tomber de fatigue et on file dormir avant que le reste de la maisonnée ne rentre.

Le lendemain je rencontre Yvan, qui est assez cool pour bien vouloir m'héberger pendant le WE (Merci Julie !). Les habitants de la grande maison bleue partent travailler mais moi je suis claquée et décide de m'offrir une rallonge de sommeil. Il faut croire que le bénéfice des vacances commence à tomber seulement maintenant...car je me réveille à 11h...De toutes façons Terre-neuve, c'est soit vous venez en été et y passez facile 3 semaines pour faire le tour. Soit vous venez juste un WE et vous rayonnez autour de St John's. Qui a beau être capitale de province, n'en est pas moins un petit bled dont on fait le tour en 1/2 h.
Alors je pars pour 3 heures de ballade "en ville", si je puis dire. Yvan m'a indiqué les choses à voir donc je commence par trouver un petit sentier longeant une rivière et descendre doucement vers l'océan. Il fait beau et frais, la vie est tellement calme...j'ai l'impression qu'ici le temps ne s'écoule pas. Ou bien c'est moi qui suis un fantôme, décorrélée de tout cadre temporel. St John's se compose de deux rues parallèles en front de mer, où se trouvent les commerces. Au-dessus, en emmêlement de rues en pente où défilent des rangées de maisons colorées. Atmosphère assez irlandaise, on entend presque les settlers nous murmurer des trucs derrière l'oreille...

Bien sûr, ici comme ailleurs, il y a eu des incendies. Qui ont poussé les habitants les plus fortunés à aller reconstruire plus loin de nouvelles maisons. Tant qu'à faire, si les dites bâtisses pouvaient en jeter un maximum histoire de bien expliquer qui vivait là, c'était toujours ça de pris. Donc plus au nord dans la colline se trouvent des quartiers résidentiels qui balancent entre les styles Victorien, queen Anne revival et Empire. En photo ça me parait presque des maisons de poupée, mais quand on passe devant et qu'on a tous les volumes dans les yeux, c'est une autre histoire...

  

Plus on remonte cette colline, plus on sort du St John's authentique pour trouver des quartiers plus récents et se rapprocher de l'université. Ce qui était la banlieue il y a 50 ans mais fait désormais partie du centre.
Les maisons y sont toujours en bois, toujours toutes peintes avec grand soin dans des couleurs visiblement très étudiées, avec le soin de se démarquer de son voisin. En Irlande, on m'avait expliqué que la raison de ces couleurs vives et tranchées tenait à l'alcoolémie moyenne au retour du pub et servait juste à guider le soiffard pour qu'il reconnaisse sa propre maison. C'est sûrement le même topo ici...

Je retourne à la maison bleue dans l'après-midi pour retrouver Yvan qui a terminé ses cours, et nous partons directement vers le plus vieux coin de St John's : the Battery. Là que les pêcheurs ont commencé à construire leurs cabanes il y a 400 ans. On y parle encore un dialecte bizarre, je présume un dérivé de patois d'irlandais...

Les cabanes accrochées sur la colline font face aux derniers virages du port (St John's est une vraie forteresse naturelle : pour accéder au port les navires doivent parcourir un dédale de virages entre les collines). On entend le bruit sourd des bateaux, noyé sous les cris des cormorans et au loin, ceux des mouettes. Une vraie ambiance porturaire.
Une fois qu'on a traversé Battery, on accède à un sentier qui court le long de la colline et nous emmène au loin vers l'extérieur de St John's, direction Signal Hill et à son sommet, un fort militaire dont j'oublie le nom.
C'en est fini de la ville, on passe à la nature grandeur nature. Durant une marche d'environ 3h aller retour, je suis partie dans l'hypererspace...

 

Les heures passent et je suis dans un songe. Quand la lumière a commencé à décliner, il a fallu prendre le chemin du retour jusqu'à ce que j'ai alors ressenti comme étant de la civilisation. Et pourtant St John's centre ville n'a rien d'une jungle...
Après ça, quelques courses et nous nous sommes mis en cuisine. Un bon plat de poisson Newfie et je n'ai pas tardé à tomber dans les bras de Morphée. La tête pleine de jolies choses, comme ces jours où on sait qu'on vient de cocher une ligne sur la liste de nos rêves.

Comments

[julie]

ca fait rêver!