Concept québecois : la cage aux sports

Il y a une soirée dont je n'ai pas encore parlé.
J'ai raconté quelque part que les Canadiens, équipe de hockey de Montréal, prenaient taule sur taule dans les derniers matchs...mais n'ai pas précisé les modalités dans lesquelles j'avais vu l'un des matchs...

Alors où j'en suis restée, en Europe, l'équivalent sportif en termes d'idolatrerie, business et gimmicks dérivés, c'est le foot. Et le foot se mate la plupart du temps chez soi, voire avec option ramenage de potes sur le canapé. Là les filles crient quand les mecs crient et le reste du temps elles bavassent dans la cuisine. Ou alors on va voir son match au bar le plus proche qui soit équipé d'un écran géant. Option la plus fréquente pour qui n'a pas Canal, les soirs où ce sont eux qui retransmettent. Enfin il y a le paradis sur gazon : aller voir le match sur place.
Ok ok...alors laissez-moi vous dire que nous autres européens la jouont franchement petit comparé aux québecois. Car eux, ils ont LE concept : la cage aux sports.

Non on ne vous enferme pas dans une sorte de bocal, chaîne aux pieds, pour vous contraindre à suivre un match et faire plaisir à Robert. Ca n'a rien d'une punition, bien au contraire. C'est une chaîne de bars où ça ambiance et où sont retransmis les grands évènements sportifs, à commencer bien sûr par les matchs de hockey. Avec un écran géant où que vous posiez vos yeux, une carte à faire palir Mc Donald's sur les records d'encouragement de l'obésité dans la population nord-américaine, un "habillage" musical au cas où vous auriez un problème avec les écrans géants et n'ayez pas percuté que OUI, Huet le dieu (français, évidemment) des montréalaises vient EN EFFET de se prendre un tir dans le filet, de la bonne daube à base de Britney Spears durant les interludes publicitaires (en gros on dirait que les mecs jouent par tranches de 7 minutes environ, entre les pubs et les pénalités...) et surtout DE LA BIERE !!!

Donc entre septembre et juin, c'est hockey un soir sur deux. Et quand ce n'est pas l'heure du hockey on y retransmet n'importe quelle rencontre. Mais quand c'est hockey c'est carnaval.
Il faut savoir qu'au Canada, les billets de toute une saison sont vendus en moins d'une journée. Et puis au Québec, les matchs ne sont plus diffusés sur des chaînes publiques mais sur une chaîne idoine qui d'après ce que j'en ai compris, fait partie d'un bouquet cablé à outamille dollars. Donc ceux qui n'ont pas les moyens peuvent soit se les geler toute la soirée en suivant la rencontre à la radio dans leur voiture char, soit aller à la cage aux sports. Devinez ce qu'ils préfèrent...

La plus balaise est celle du centre Bell dans le centre de Montréal. Building où se déroulent les matchs, financé par la compagnie téléphonique du même nom et 1er sponsor des Canadiens de Montréal.
Moi je suis juste allée à celle de St Félicien, en banlieue montréalaise, et déjà ça envoyait du bois. C'est là que j'ai découvert la face à peine cachée de mes cousins, des grands malades de supporters, et leurs potes encore pire. Où il est indécent de ne pas hurler quand les Canadiens mettent un but dans les premières minutes et encore plus politiquement inacceptable de ne pas huer l'équipe adverse quand elle cause une pénalité aux Canadiens. Je crois donc avoir trouvé pire que des supporters footeux italiens...

Tout allait bien et la fine équipe avait le sourire jusqu'aux oreilles dans les 2 premières périodes. Parce que les Canadiens avaient tabassé d'entrée de jeu. Mais voila, de pénalité en pénalité, ils se sont retrouvés à jouer à 3 contre les 5 d'en face + leur gardien et là, Cristobal Huet, fierté hexagonale, ne fit plus le poids. Et se prit une patate...
Alors, ce fut le drame. Dans une tension à son paroxysme, je les vis se recroqueviller sous leurs t-shirts chandails à l'effigie du club, quand ils n'enrageaient pas carrément.

Coup de sifflet final. La partie se termine sur un match nul.
Il parait que j'ai le grand privilège de pouvoir assister à une situation peu fréquente : quand ça se termine sur un match nul il y a prolongation de 5 minutes. 5 minutes se passent donc et la catastrophe se poursuit : les deux équipes sont à égalité. Et là je souligne la traduction québecoise de comment ça se solde : ici tir au but se dit tir à la fusillade. J'adore !!

Donc allons-y pour le flinguage en bonne et due forme des Canadiens puisqu'ils se sont repris un but et ont donc laissé la victoire s'envoler. Les filles ont les larmes aux yeux (ouais et allez dire que j'exagère hého !!), les gars font la gueule. Et c'est une déferlante de "crisse de tabarnak de câââlisse ils ont encore perdu tabarnak...encore !...câââlisse de sacrement...de tabarnak de mare de crisse..." de je sais pas quoi qui pleut dans mes oreilles. Et je suis morte de rire mais discrètement...ne jamais se moquer de la peine d'un supporter sincère... 

C'est donc l'âme en peine que nous avons quitté le temple du sport télévisé et arrosé, pour nous rentrer dans la colline et pleurer toutes les larmes de leurs corps (parce que moi j'ai juste dormi hein...). Mais n'empêche, j'en ai eu du fun !