Méfiez-vous du cadre trentenaire en cravate...

...car il cache souvent un dangereux psychopathe. Bon, certes, tous ne sont pas des Patrick Bateman en puissance (voir American Psycho de Brett Easton Ellis...oui bah chacun ses références hein...), mais quand même, faut faire gaffe avec eux.

Regardez, on ne dirait pas comme ça hein ? Le CTC (Cadre Trentenaire en Cravate) sait tellement bien prendre un air de chien battu qu'on lui donnerait presque le bon Dieu sans confession. Et pourtant !!

Entre 7h et 19h30, il est sage et poli. Il se lève, se lave (si si, c'est important de sentir bon dans son univers), s'envoie le 1er des 50 cafés de la journée, trotte ou roule vers son bureau, arrive à l'heure et se met à bosser. Toute la journée, il fait des politesses, écrit des notes, tape des rapports, répond au téléphone, argumente ses projets devant son boss, négocie des rabes de budget, enfume des prestataires, esclave des secrétaires, évite de répondre aux appels insistants de sa femme, bidouille des tableaux croisés dynamiques sous Excel, jongle avec son plan comptable ou son code du commerce, triche sur ses déclarations de timesheets que la comptable d'en bas lui réclame depuis 3 mois, trafique ses notes de frais pour faire passer son dernier aller retour en Italie avec la Peugeot de fonction, parcourt les pages roses du Figaro quand ce n'est pas le dernier LSA, nettoie machinalement ses verres de lunettes avec un bout de sa cravate, joue avec les pièces de monnaie au fond de sa poche, traverse 200 fois le couloir (de la mort...non du bureau) pour atteindre la photocopieuse (surtout quand il a abusé avec la secrétaire là...), va à des conférences où il s'emmerde comme un rat mort sauf quand il y a des bulles, des petits fours et des jolies filles...

Bref, une dure vie que celle du CTC. Largement de quoi justifier les lâchages de la tranche 20h/4h. Surtout les soirs où une surprise se fomente à l'attention de l'un des CTC. Comme l'autre soir, pour les 30 ans surprise de l'ami "F". Non je ne vais pas balancer jusqu'à citer vos prénoms messieurs, on reste souples. Comme toujours, rendez-vous est fixé entre CTC et CTJ (cadres trentenaires en jupette) à 19h30 "pétantes". Pétantes est un mot qui n'a pas de sens avec les CTC/CTJ. A 20h passées, on part enfin de Lyon pour rouler vers Annecy. Même en rompant les lois de la matière, on n'avait aucune chance d'être à l'heure. Mais on est des CTC malins et des CTJ prévoyantes, on sait qu'en apportant plein de champagne et des fleurs pour la douce de monsieur, on pourrait tout se faire pardonner. En route évidemment on daube. Sur nos patrons, nos collègues et anciens collègues, et sur quiconque nous aura un peu chatouillé les nerfs ces derniers temps. Ah ça soulage...
Arrivés sur les lieux du crime, on entre subrepticement dans la maison pour surprendre "F". La première d'entre nous fait son apparition, j'entends la voix légèrement assourdissante de "F" à travers tout le jardin : "oh purée naaaaaaan mais kesstu fais là toi !!". "F" a enlevé sa cravate mais pas son costume donc il lui reste un tic de CTC, consistant à ne pas vraiment écouter la réponse. Donc il ne percute pas qu'il reste des invités surprise dehors. J'entre à mon tour, "F" hallucine. Les deux derniers larrons arrivent et rebelotte. Oui "F", on est effectivement venus ensemble et non, on n'est pas partis hier matin à pieds chacun de notre côté...non non...

Hopla, le CTC entame sa métamorphose : les bulles coulent à flots, on ricane pour n'importe quoi. Puisque je pars sous peu au Canada, j'écope d'un semblant de nouveau défi : trouver là bas le Davy Crockett de mes rêves (je le répète pour "S", non ceci n'est pas un de mes fantasmes, tu dois me confondre avec quelqu'un d'autre là...).
Mais les CTC et CTJ ne perdent jamais le nord. Et comme on n'est pas venus là pour acheter le terrain, il est temps de passer à table. Tandis que les CTJ s'affairent à dresser la table, les CTC qui, tous les jours, il faut le dire, doivent relever d'innombrables défis, ne s'affolent pas de devoir faire un barbecue par moins douze degrés dehors. Merguez, brochettes et salades géantes, c'est par là que ça se passe !

Le CTC content se lève pour porter un toast. Je m'attends à un mot en l'honneur de "V" (alias Madame "F") qui a tout organisé dans son dos (encore merci miss !) mais quedalle : "F" veut un défi de l'amitié. Avale cul sec ton bol de rosé ou tu n'es pas un vrai ami. Bon bah d'accord alors...(beeeouaark, ça pique...).
Quelques bouteilles et kilos de barbecue plus loin, "F" paie sa tournée avec les derniers trésors de sa cave. Ce soir c'est cuvée Momone. Et le bonheur quand on est à 15 sur une bouteille c'est que pour une fois on prend le temps de savourer son verre. Parce qu'autrement, à cette heure de la nuit, le CTC n'est rien de moins qu'un soiffard en goguette...

Une autre chose avec le CTC, c'est qu'en dehors de ses plages de travail, il est incapable de tenir une conversation sur un sujet supposant un tant soit peu d'intellect. Ainsi, lorsque l'un des convives tente d'ouvrir un débat consistant, mon voisin CTC de droite s'énerve. Et le sang de Momone coule...
Vient enfin l'heure du cadeau. Le cadeau ! le cadeau ! "F" est tout content, il a eu de nouveaux crayons pour faire ses gribouilles !! Ça promet de jolis dessins sur les murs...

Puis notre CTC d'honneur ayant plus d'un tour dans son sac, il nous accorde quelques minutes de pause avec un petit café avant la reprise. Deuxième round : "F" le filou revient de derrière les fagots avec une pelletée de cigares et l'alcool de figue qui décape. Le CTC de presque fin de soirée a tout d'un grand...

...et ça fait bien riregoler ses amis du reste

Environ 2h du matin : c'est maintenant que la face cachée de l'histoire se révèle. Tout ceci n'était en fait qu'un derby Annecy/Lyon pour voir qui tiendrait le plus longtemps. Les locaux se rentrent les uns après les autres, les CTC et CTJ lyonnais sont encore là. Toujours présents pour enterrer les autres. Parfois je nous trouve forts, parfois un peu moins...heum...
Conscients qu'on se lève dans 5h et qu'on a une bonne heure de route pour rentrer, nous entamons les négociations avec "F". Pour qu'il nous libère quoi ! Mais ce CTC n'est pas né de la dernière pluie, il nous voit venir. "Quoi quoi kesstu fais là c'est pas par là (désignant la porte et attrapant une chaise), c'est là !" (nous enjoignant de nous rasseoir et remplissant un plein godet d'alcool de figue). Ok, c'est donc l'heure du 3ème round et l'un des CTC ou CTJ pliera forcément par K.O...
Le CTC et le CTJ étant aussi (et par nature) un fieffé négociateur, il use de patience et de persuasion pour réussir à s'extirper de la forteresse à boissons et rejoindre la CTC-mobile.
Ah encore une chose, le CTC est un sale feignant qui n'aide JAMAIS à débarrasser la table et détale comme un voleur (avec toutes mes excuses au passage). Nous reprenons la route et la plus attaquée des CTJ tombe direct dans un demi-sommeil d'alcoolique. Inutile de préciser que ce n'était pas moi.

Nous entamons une conversation PASSIONNANTE quant aux bienfaits de la lecture de romans sur l'équilibre mental du CTC/CTJ surmené et sur le manque cruel de créativité dans les milieux financiers (mais pourquoi ??) avant de regagner nos pénates. Drop de CTJ en bas de son immeuble. Elle articule quelques mots, je ne comprends pas tout...on en reparlera hein ! Enfin les deux derniers combattants (toujours le CTC de la photo d'en haut et moi-même) atteignons la colline. Comme à la fin de chacune de nos soirées, il est 3h30, on doit être dans le TGV ou en conf call dans 4h, ça va encore être un beau patinage artistique.

3h30 et des brouettes : Dans les derniers virages en remontant chez moi, à la radio j'entends Môssieur Charlebois dire les mots magiques : "Je reviendrai à Montréal...dans un grand Boeing bleu de mer...j'ai besoin de revoir l'hiver...et ses aurores boréales..."
C'est forcément un signe du destin, pour me prévenir que les CTC de Montréal doivent être encore pires que nous et que jusque là ce n'était qu'un jeu d'enfants...ok c'est bon je suis prête. Suis pas la moitié d'une CTJ moi, non mais oh !

Encore bon anniversaire à l'ami "F" et merci à tout le monde pour la bonne humeur. A la prochaine pour un derby de revanche...hein les gens !

Comments

[Marie]

Et donc pour ceux qui voudraient récupérer les preuves de cette lamentable débauche en haute définition, passez par les commentaires. Sinon, bah tant pis pour vous ! ;-))