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MAGMA MENTAL
18 juin 2007

Les échappées belles à la montagne

Parmi les solutions naturelles pour un esprit sain dans un corps sain, je propose les virées en altitude.

Ce genre de choses, ça vous prend en milieu de semaine. En phases de charrette, quand vous ne savez plus quel jour on est, que vous enchaînez des semaines sans trop dormir. Quand il fait chaud, que ça sent l'orage mais que le ciel ne veut rien entendre. Quand vous vous sentez engourdi tellement vous étouffez.
Puis vient cette sensation étrange, cette sorte de flash. Dans un moment complètement hors sujet, votre corps vous renvoie la mémoire de vos meilleurs moments de liberté. Vous savez...on a tous en mémoire des instants, des endroits où l'on s'est senti totalement libre, heureux et détendu. A ces moments sont associés des sensations précises, des bruits, des odeurs, des couleurs. Alors quand elles vous reviennent d'un coup et hors contexte, c'est un appel : vous avez besoin de prendre le large. S'en priver serait nuire à sa propre santé.

Alors le vendredi à 17h tapantes, vous tracez. Direction : les cimes. Vous ne serez mieux qu'une fois passée la barre des 2000m d'altitude. Vous roulez pendant 3h sans rien voir passer car votre cerveau est dans un sas de décompression. Dans les derniers lacets avant l'arrivée, vous conduisez toutes fenêtres ouvertes pour vous emplir du bon air. Une fois sur le parking, serrage de frein, enclenchement de la 1ère (avec option dérapage sur glace en hiver quand on roule en Ice Kapomobile), éteignage du moteur = FIN DU CHAPITRE.

Vous dormez comme une masse et vous réveillez frais tel le gardon. Là, tous vos instincts vous le murmurent : "sors...sors...vas chercher la nature...vas plus haut...respire !". Juste le temps de vous préparer et vous claquez la porte, direction "là-haut".

illus2_echappees_bellesTous les amoureux de la montagne partagent cet instinct : le besoin de se rapprocher du ciel, de défier la montagne tout en restant humble devant elle, d'aller là où l'homme n'est pas à sa place, de repousser ses limites (qui ne sont physiques que dans des conditions extrêmes, aux sommets des sommets). Puis d'arriver au point choisi, s'immobiliser et admirer. C'est peut-être terrible à dire, mais parfois je crois que les montagnards aiment la nature plus qu'ils n'aiment leurs pairs. Point de misanthropie là-dedans, juste ce sentiment que rien ne pourra égaler ce que vous vivez dans ces endroits sauvages, si loin du tumulte.

Samedi, je suis allée retrouver mon amie l'Eyssina, grande madame si belle et majestueuse, qui me laisse toujours crapahuter gaîment sur ses flans. Depuis mon enfance, elle me donne l'impression de veiller sur moi, du haut de ses 3000 et quelques mètres. Aux cabines de départ, les jours de course, je me retournais vers elle comme pour lui demander ce qu'elle en pensait. Des années plus tard, et sûrement pour longtemps encore, elle me captive. Je la regarde, et ça peut durer des heures.

illus_echappees_bellesQuand on part sur les chemins de transhumance par un WE d'élections, il n'y a pas un rat alentours. Juste vous, les marmottes (encore lourdes de leur hibernation et toutes endormies), les chevaux presque sauvages, et la montagne. Vous voila, tel une brebis égarée, seul dans les chemins, sur les vallons, dans les cols, sous les arbres, au bord des lacs...seul et tellement calme. Le vent frais des cols souffle sur les herbes hautes, vous coupez à travers champs, il se glisse dans vos vêtements comme si la montagne vous prenait dans ses bras. Les sols sont humides, l'eau rentre dans vos chaussures mais vous ne sentez même pas que vos pieds sont mouillés. La luminosité est ahurissante, les contrastes saisissants. Même aveugle, vous pensez que vous pourriez encore avancer rien qu'en vous laissant guider par la lumière. Parfois vous entendez vaguement le bruit des clochettes des vaches. Parfois ce sont les sifflements des marmottes qui se racontent leurs derniers commérages. Parfois simplement c'est l'eau qui ruisselle depuis les cimes, fraîche et douce (mais pas potable attention !). Et parfois, si vous avez le pas assez léger pour ne pas vous faire remarquer, c'est un chamois, perché sur son rocher comme un roi sur son trône. Instant de grâce, s'il en est...

peyrol_verticalVous vous posez au bord d'un lac ou d'un ruisseau, ôtez vos chaussettes et chaussures et vous vous trempez jusqu'aux genoux. Pieds nus, vous jouez à sauter de roche en roche sans glisser sur la mousse. Un aigle vous survole, il vous surveille du coin de l'oeil. Qui sait, peut-être que de là-haut vous ressemblez à une grosse truite, dans le fond ?
Et puis la lumière décline, l'Eyssina vous invite gentiment à rentrer chez vous. Docile, trop content de ce qu'elle vient de vous donner, vous prenez le chemin de la redescente. Vous forcez sur vos genoux pendant deux heures dans la pente et arrivez à bon port, les orteils ratatinés dans vos Salomon. Une fois chez vous, vous tombez tel une loque. Très rapidement, tout ce flot d'émotions circule en vous puis trouve sa petite place, quelque part dans votre mémoire. Le corps repu d'exercice, l'esprit repu de merveilles, vous sombrez dans le sommeil des justes.

A ceux qui sont dans le secret des cimes, je voudrais dire de ne jamais arrêter, jusqu'à ce que leurs jambes les lâchent. Aux autres, je voudrais dire que comme pour tout, seule la première fois est difficile. Mais dès lors qu'on a réussi, ne serait-ce qu'une grosse rando où ça grimpe bien : on ne peut plus s'en passer !

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