Le jambon/beurre raté de la boulangère

C'est l'indispensable du rat des villes. En général dans toutes les Bunker City (les quartiers d'affaires avec des tours de bureaux bien pas belles), il y a une boulangerie à proximité qui a flairé les débouchés exponentiels et se propose de bourrer de pain les estomacs des jeunes cadres dynamiques (pour la modique somme de 4,50€ le sandwich de merde) chaque jour ouvré, après quoi les propriétaires des lieux prendront leur retraite à 40 ans après avoir revendu leur business avec plus-value de x2.

Moi j'ai la même chose en version rat des champs. Dans le bled mouroir où je bosse, il y a même, tenez-vous bien, 3 boulangeries. Je suis tentée de croire que ça fait une par habitant, soit la plus forte concentration de baguettes par personne, au monde. Ou alors ils ne mangent que du pain ici, et les poulets pourris du bide aussi (cf. grippe aviaire, le pays des Dombes, tout ça...Jean-Pierre Pernault expliquerait ça mieux que moi)
Sauf qu'une seule se fend d'un effort d'adaptation à l'essentiel de la population diurne : des comuters. Des gens forcés à venir ici pour la journée le temps de travailler et apporter ainsi de la valeur ajoutée dans cette zone de désolation, qui détalent dès qu'ils peuvent le soir venu. Des gens susceptibles de déjeuner sur place. Y compris déjeuner comme leurs homologues de la ville, un jambon/beurre à la main, les doigts pianotant sur le clavier car c'est l'heure de bloguer.

Mais déjà la boulangère en question, c'est une flèche. Décolorée avec des racines de 10cm, des bagues vieilles comme Hérode qui lui font des knackis à la place des doigts (bah faut pas en mettre deux par doigt aussi...), infoutue d'additionner 2,15 et 3,30 sans sa calculatrice grosse comme une caisse d'hypermarché, pas gênée de laisser en vitrine 10 jours d'affilée des tartelettes pourries que personne ne lui achètera jamais, souriante sauf qu'à la limite vous préféreriez qu'elle ne vous sourie jamais car quand elle vous montre ses dents ça vous rappelle les leçons d'hygiène dentaire à l'école primaire (quand un mec déguisé en petit lapin venait dans votre classe pour vous montrer comme se laver les dents et vous laissait en cadeau une mini-brosse à dents avec un tube de dentifrice à la fraise. Alléééééé souvenez-vous, il a bien du passer par chez vous !).

Et puis sa boulangerie c'est un peu la galerie des glaces mais pour les quiches lorraines et les pains au chocolat desséchés. Du doré plaqué partout, de la lumière à s'en aveugler, un meuble réfrigérant en vitre genre manège à gâteaux (avec des tartes sur des pieds eux-mêmes rotatifs, des spotlights orientés sur les fraises défraîchies, tout ça...mmmm....) et une déco à pleurer de désespoir dans les périodes indiquées. C'est-à-dire Noël, la Chandeleur, Pâques - puis trêve estivale - et Halloween.

Enfin la boulangère, bin elle sait même pas faire les jambon/beurre komifo. A chaque fois vous avez les 3/4 de la tranche de jambon qui pendouillent minablement en dehors du pain. Ça fait une languette rose coincée entre la croûte du pain et l'emballage plastique, qui réchauffe doucement mais sûrement sous la lumière de sa vitrine. On dirait un peu un chien assoiffé...Et puis son beurre c'est de la margarine : elle croit quoi, que je suis anesthésiée des papilles ou quoi ? Quant au gruyère, du plastique. Et les deux demi cornichons qui nagent dans cet océan de non-goût, soit elle leur donne des petits frères soit elle oublie. Non parce que là c'est ridicule !

La semaine dernière, elle s'est surpassée. Comme elle n'en avait plus, elle m'en a fait un rien que pour moi. Déjà je flippais de voir le résultat. J'avais raison : il faut se figurer le même calvaire dans du pain chaud tout droit sorti du four. Ah ça, le pain, il croustille bien comme il faut. Mais la garniture est dans un sauna, elle suinte et progressivement la baguette jambon/beurre/fromage mute en panini pas grillé juste ignoble.

Je n'ai osé prendre de photo de la chose, au risque de me coller la nausée chaque fois que je la croiserais du regard. Et je ne voudrais pas vous couper l'appétit non plus...surtout que c'est bientôt l'heure là. Mmmm allé on se motive et on prend le chemin de sa boulangerie, hop hop hop...quoi non ??

Comments

[Sabine]

je pleure de rire !!!

[marie]

En plus Jessifer ça fait un peu Lucifer c'est bien dans le ton braval (le singulier de bravo, pour l'autre catégorie sur les mots là...je t'avais prévenue !!)

[géraldine]

c'est énorme ça.
Je crois que je vais me payer le luxe du trajet jusque chez Marinette (ta boulangère)- Jessifer (son deuxième prénom. D'ailleurs, elle préfère utiliser le 2ème plutôt que le 1er. Bizarrement.)
J'ai décidé de ne plus manger que ses sandwiches jusqu'à ma mort (qui pourrait survenir très rapidement, vu mon alimentation bientôt déplorable)ou jusqu'à la sienne (qui pourrait subvenir encore plus rapidement-marie, prépare un bon alibi)