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MAGMA MENTAL
14 février 2007

Mercredi 14 : Amboseli "Wonderland", retournage de cerveau

Il y a comme un effet de déjà vu : une heure à peine après m'être endormie, je suis réveillée par la pluie. M'en fous, je me lève je ne sais pas quand mais dans pas longtemps, donc je ne bouge pas d'un iota, tant pis si je me fais tremper. A 4h, Fred passe entre les tentes avec son habituel "Bon-diouwwhhrr, il faut se leveeeeeer…" Rien à faire, l'eau est passée sur les côtés de la cape de pluie et est remontée sur le matelas, le duvet, le sac à viande, moi… M'en fous toujours, car aujourd'hui sera une journée de rêve dans le fil de mon existence. Parce qu'aujourd'hui je vois le Kili. Allé c'est parti, au moins dans le 4x4 je serai au sec.

Complètement au radar, je me rendors direct dans le 4x4. A un moment, la lumière frôle mes paupières et l'instinct me dit de me réveiller, qu'importe la fatigue. Je sens qu'il est tout proche, alors je me redresse contre le carreau du 4x4. Sur ma droite, décroché dans un ciel rouge et bleu au lever du soleil, il est là. Le Kilimandjaro. MON Kilimandjaro !! Seul au milieu d'une immense étendue plane plantée d'acacias parasol, il culmine parmi les nuages du matin. Majestueux, doux, bienveillant, éternel à mes yeux, même si en vrai il ne l'est pas. Dans mon catalogue mental d'émerveillements, THE image extasiante. Je m'en gave et m'en gave encore.

Pause photos obligatoire. Nous sortons du 4x4 pour mitrailler en cœur. Je suis là, debout au milieu d'une piste déserte, les yeux embrumés de sommeil, à le contempler. Je sens remonter une joie profonde. Celle des bonheurs simples et intenses, comme quand on réalise un rêve de gosse. Je respire cet air : j'ai l'impression qu'il a un goût, et que je pourrai m'en souvenir toute ma vie. Et je glousse de joie en faisant des petits bonds sur place (discrets quand même !). Le ciel se donne en spectacle : il y va de ses stries bleues, roses, rouges, orange dilatées sur la ligne d'horizon. La lumière révèle tout du glacier, les mouvements de la roche, les formes des pentes…L'adrénaline redescend doucement et je suis dans un état de quasi recueillement. Je savais qu'il me ferait de l'effet, mais là, la vache !!

Nous repartons et j'ai le visage collé au carreau, admirant la progression de la lumière à mesure que le soleil finit de se lever. Nous atteignons les portes d'Amboseli vers 7h. Le parc est désert, seuls dans le règne animal, nous roulons tranquillement. Les animaux sont très dispersés du fait des pluies, mais c'est un festival de zèbres, gazelles, hyènes, chacals, autruches, grues couronnées, éléphants, hippopotames, girafes, flamands roses...

Vers 10h nous faisons un stop dans un lodge archi classe, trop pour nous ! Des rabatteurs maasai sont aux portes du lodge. Apparemment ils ont déjà trouvé un pigeon qui les suivra et crachera ses 20$ pour les regarder danser 20 minutes, faire le tour des manyattas et acheter un collier. Nous garons les voitures et en pénétrant dans le lodge, je croise deux maasai pas très maasai : trop propres, ils sentent l'eau de cologne (ça clairement, ce n'est pas maasai !!) et portent les apparats d'un moran alors qu'à l'évidence, ils n'en ont plus l'âge. Combien de gens se font berner par leur comédie chaque année ?? Il m'aborde en anglais, je réponds "Supa" et ça semble l'étonner. "You know maa ?" / "Just a little". Je m'en étonne à mon tour mais en fait oui, je connais quelques mots en Maa maintenant ! Grâce à qui ? Petit Paul, Grand Paul, Peter, Joshua, Ken et tous les autres...Ashe ahshe les amis..."So you're a lady maasai ?' (voyant le bracelet à mon bras). "Well, maybe not..." Telle que tu me vois, avachie dans un improbable fauteuil en cuir, je ne suis qu'une touriste. Que tu ne pourras pas entourlouper par contre, désolée...

À l'intérieur, il y a plein de petits vervets dans les arbres, pas farouches du tout. Il y a des pompes à café en libre service, on ne va pas se gêner ! Dans la boutique du lodge, j'achète un t-shirt à l'effigie de Tusker 4 fois trop grand et rouge pétard. Pour compléter ma collection de t-shirts in-montrables spécialement pour les jours de gros retards de lessive !

En revenant au 4x4, nous constatons que les singes se sont invités. Quel bazar là-dedans ! Je constate que l'un d'eux a sorti le n° spécial Andy Warhol des Inrocks que j'ai oublié là au début du voyage, et a même laissé une petite trace de doigt sur un paragraphe. Il y a des singes branchés pop art, qui l'eut cru ? Ces gros chapardeurs ont bien sûr piqué de la nourriture et il y en a encore un qui trône sur le capot du 4x4 en nous regardant méchant, les bras croisés (véridique !), genre : "C'est qui le patron ici, hein ?" Je suis pliée de rire !

Nous voila repartis en game drive. Nous déjeunons dans un miradouro avec une vue à 360° sur le parc. C'est féerique. Dans l'après-midi, nous assistons à un affrontement entre éléphants mâles : une saillie va bientôt avoir lieu, mais la petite femelle (d'après Fred ce sera la première fois pour elle) ne sait pas trop où donner de la tête. Elle se réfugie parmi d'autres femelles tandis que les mâles sortent leur palette d'intimidations. Le vieux mâle de la bande mène bien le jeu pendant un moment, jusqu'à ce qu'un plus jeune le dépasse, non sans quelques heurs et barrissements : c'est la loi de la nature...

Nous croisons aussi un 4x4 occupé par des touristes japonais. Ces fous ont des masques sur la figure : quelle pollution craignent-ils ici au juste ? Les japs ne le font pas exprès, mais qu'est-ce qu'ils sont ridicules des fois !! Le jour où je voyagerai là-bas, rigolade assurée !

Durant toute cette journée, le Kili a régné en maître. Où que vous soyez, il est là. Devant, derrière, sur les côtés, il est toujours là. Il se rappelle à votre souvenir dans chaque image que vous gravez en vous, il vous envoie ses ondes

Il est environ 15h, je somnole allongée dans le 4x4 en observant la nature, sous le soleil écrasant de l'après-midi. D'un coup, un kaléidoscope d'images remonte dans ma tête. Un mélange de ces deux semaines, deux précieuses semaines sur l'échelle du temps, où j'aurai bien rangé mes étagères, comme je le souhaitais. Nous reprenons la route de Namanga. De temps à autres, j'ouvre les yeux et vois des bleds délabrés, des enfants marchant le long de la route, des visages qui me sourient autrement que les premiers jours.

Au lodge de Namanga, c'est l'heure de préparer le départ. Ce soir nous avons droite à une chambre avec de vrais lits. Dernière nuit sous les étoiles du Kenya, demain soir nous serons dans l'avion. Alors je profite d'une longue, très longue douche, où je vide ce qu'il me reste de produits de toilette. Je gratte ma peau et gomme mon visage avant de me barbouiller de crème. Dans la salle de bains, il y a un miroir : je me vois pour la première fois depuis un petit moment et j'ai l'impression que dans le reflet, c'est moi en vrai. Ce que je vois dans mes propres yeux ressemble à ce que je pense. Et ce qui me dépite, c'est de ne pas savoir retrouver cet équilibre dans le quotidien en France. A moins qu'il faille prendre un tournant…à moins que l'évidence me rattrape...

Après un dernier apéro-Tusker, un dernier repas, une dernière veillée à la frontale pour écrire le carnet. Je sais déjà que je vais avoir du mal à reprendre mon quotidien. Pas par déprime ni à cause d'un changement (physique) de rythme. Pas pour le manque de soleil, de chaleur et de grands espaces. Pas parce que Caro et nos bouffonnades vont me manquer (on reprendra quand elle reviendra !). Pas parce qu'il n'y aura plus la douce voie de Marie-Pierre pour me dire bonne nuit.

Parce que mes occupations ordinaires m'ennuient et ne me suffisent plus. Parce que l'appel du large est plus fort qu'avant et je sens des pages se tourner. Que la nuit me porte conseil

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