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MAGMA MENTAL
1 décembre 2008

Un dimanche en Antarctique

Il est toujours bien agréable de recevoir des mails d'Air Canada nous invitant à des séances de cinéma aux frais de la princesse. Encore mieux, quand on vit un peu perché comme moi, de tels mails sont susceptibles de vous apporter l'information que vous ne vous donnez même pas la peine d'aller chercher. Comme par exemple la tenue du Festival Cinéma du Québec dans votre ville.

La programmation était aussi variée que bizarre, évidemment je ne pouvais pas ne pas être alléchée par LE DERNIER CONTINENT. Sorti fin 2007, ce film relate l'aventure complètement épique d'un groupe de québécois et d'argentins partis au sud du sud de l'Antarctique, en mission scientifique. Sauf qu'à l'inverse de toute la communauté scientifique, ils ont choisi d'aller jusqu'à Melchior (base scientifique argentine) en juillet, exprès pour se faire prendre dans les glaces. Une fois bloqués par la banquise, ils conduiraient leurs recherches sur place, en vivant dans le chalet de la station pendant tout le terrible hiver polaire. Leur but était de relever point par point les effets du réchauffement sur le milieu observé : ils n'ont pas été déçus...

sedna_4_le_dernier_continent

Pour commencer, leur voilier de je ne sais combien de tonnes devait être amarré dans une baie en face du chalet. Bien intentionnée et motivée, l'équipe (13 personnes) prépare un pont entre le navire et le chalet, solidifie les amarres, aménage le chalet (ce qui inclue télé et table de ping pong !!), enterre une partie de ses réserves alimentaires dans le sol car les congélos étaient trop petits. Et oui, il s'agissait de se sédentariser pour 9 longs mois, sans aucune option de repli, aucune possibilité de fuir : obligés de tenir le coup...

En attendant les glaces, les baleines passent leurs dernières semaines dans le sud et jouent sans crainte avec les hommes, en passant à peine 1 mètre sous leurs kayaks et en dansant presque avec les nageurs, trop contents de pouvoir les photographier de si près. Les oiseaux ne ressentent pas le froid, donc ils restent là en attendant le signal : l'été s'éternise, il fait chaud....trop chaud...beaucoup trop chaud...

Quand le pôle prend 5 degrés de plus, et quand les villes du continent lui renvoient sans cesse leurs vents chauds et chargés de crasse, et bien il pleut au lieu de neiger. Et il pleut des trombes dans des bourrasques de vent violentes. Suffisamment pour rompre les amarres et obliger l'équipage à quitter la baie en catastrophe, de nuit, en évitant de peu les récifs qui fermaient cette baie et devaient théoriquement empêcher le passage des icebergs. Théoriquement, on a bien compris...

Une fois installée dans une autre baie, l'équipe est donc délestée de sa parabole, d'une partie de sa nourriture, et attend que la glace se forme en restant bloquée sur le navire. Toujours rien, il vente, les nuits passent en température négative, mais les glaces refondent aussitôt formées. Les animaux aussi tournent en rond. Sans banquise, les micro-organismes marins ne reviennent pas, donc pas de nourriture pour les mammifères, donc pas de chasse, pas de reproduction, pas de naissances : interruption du cycle de la vie. Et à l'autre bout, l'ours polaire non plus, ne peut pas chasser. Il s'épuise à nager au lieu de marcher sur de la banquise, toujours sans manger. Sa vie est menacée...
On dit merci le réchauffement.

Promiscuité et enfermement obligent, l'équipe est tendue. Pour se remonter le moral, les voila qui trafiquent le moteur cassé de leur zodiac, retournent au chalet avec une vieille télé, bidouillent le signal de leur parabole et MIRACLE, s'envoient des bières entassés dans une petite salle le temps d'un match de l'équipe argentine au mondial de football !!

Enfin, la glace arrive, avec presque 2 mois de retard. Rapporté à un cycle de 6 mois, cela ne laissera pas à l'hiver le temps de s'installer avant que la fonte ne recommence, sonnant le glas du départ sur les routes migratoires. A peine le temps pour que naissent les petits, pas le temps de laisser vivre la vie.
Alors les animaux se rapprochent inévitablement de l'équipe, pour se partager le peu de banquise que la nature arrive à constituer. Et la cohabitation hommes/animaux est juste magique. Le protocole de recherches est lancé, tout le monde travaille et les prises de clichés et mesures vont bon train. Les petits naissent enfin, et les hommes surveillent, bienveillants, que tout le monde va bien. Quand un bébé phoque est trouvé haletant à plusieurs mètres de sa mère qui semble l'avoir abandonné, l'équipe est inquiète : ils ne peuvent pas intervenir, ils ne peuvent qu'espérer que la marche naturelle fonctionne. Alors le lendemain, quand la mère revient enfin à son petit et qu'il prend sa 1ère tétée, ce sont des sourires émus qui pointent à travers les passe-montagne !

sedna_4_le_dernier_continent_2

Pour se détendre, l'équipe fait du hockey sur un carré de glace, joue à cache-cache avec les phoques entre les blocs de glace, part se promener en raquettes, fait de la luge sans luge dans les pentes et sort les vélos. Ils partent en ski de fond sur de larges couloirs qui autrefois n'existaient même pas et constatent qu'entre les premières expéditions qui leur servent de repère, entre les cartes qui datent des années 50 et la réalité qui s'impose à eux, il y a la fonte de tonnes et de tonnes de glaciers. Ils assistent impuissants à la dégénérescence d'un milieu naturel qui pourtant laisse encore bouche bée de beauté et de pureté. Tellement beau, et tellement fragile...

Assez vite, ils arrivent à leur douzième mois depuis le départ : l'occasion d'un bon repas et de déboucher une bouteille de rouge. Quelques semaines plus tard, la fonte reprend. Tout est allé si vite : pas de vrai hiver comme espéré, des températures qui ne sont jamais descendues en dessous de moins 15 la nuit et moins 5 le jour : il fait plus froid dans les rues de Montréal en dépit de la chaleur produite par la ville...
Libéré des glaces, le voilier détache ses amarres et ils s'en vont hors de la baie, sous le regard de leurs voisins d'une saison.
Le cycle continuera sans eux, mais de plus en plus court, de plus en plus dénaturé, compromettant chaque année un peu plus la survie des espèces et comme le dit l'auteur du film, tout simplement : la suite du monde...

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