En ville sans ma voiture

La voiture, c'est le drame des temps modernes.
L'homme crée un engin qui lui permet un essor incroyable par le gain de temps et la fluidité des déplacements. Tout devient plus performant grâce à la multiplication de ces drôles de choses à quatre roues qui traînent derrière elles un nuage de crasse. De propriété réservée aux élites, la voiture se démocratise : tout le monde suit la marche de la modernisation, on n'y voit que du bon. Les campagnes sont désenclavées, on pense ainsi leur assurer un avenir tranquille. Mais la perversité du système est déjà en marche.

Car en fin de compte, la voiture reste un signe extérieur de richesse (ou de modicité). Elle aide à vider les campagnes et en faire des cimetières économiques. Elle engendre de l'agressivité et cause des accidents dont on se passerait bien. Elle salit tout sur son passage. Elle isole les individus, chacun bien à l'abri dans leur habitacle...ce qui arrange l'homme moderne et ses tendances misanthropiques. Et bien sûr, elle assassine la planète et vide les réserves en énergie.

Alors un jour ou l'autre, l'argument (pognon) qui avait suscité sa création se retourne contre elle : d'ignorant consentant, l'homme devient progressivement un peu plus lucide.
Car (pognon), l'homme moderne ne veut pas refinancer sa santé publique pour soigner les pathologies induites, directement ou indirectement, par le carnage environnemental. L'homme moderne préférerait que les caisses publiques financent toutes seules des transports en commun et laissent à ceux qui peuvent se le permettre, le luxe de continuer à rouler en 4x4 privatif. L'homme libéral (moderne) est parfois bien paradoxal...

Alors l'homme moderne (homo urbanicus) commence à repenser ses moyens de déplacement. Objectif : aller plus loin, encore plus vite, mais moins salement. Mais dans ses réflexions, il oublie un peu vite le 1er de tous les moyens de transport, le moins polluant, celui dont l'efficacité crèvera toujours tous les records : ses jambes...Jusqu'à ce qu'il esquisse un semblant de pragmatisme en incitant ses pairs à redéployer leurs gambettes et à s'approprier les rues de leurs villes, SANS VOITURE.

Le projet "En ville sans ma voiture" est né en Europe, il y a de ça, je crois, une bonne dizaine d'années. Chaque fois les retours sont éloquents : les habitants ont apprécié de respirer, n'ont pas été gênés d'un point de vue logistique et répètent que si cela devait devenir la règle, il faudrait juste améliorer la grille horaires du réseau de transports en commun. Une petite googlisation vous en dira plus que mes laïus.

Je peux toutefois témoigner des joies de la vie sans voiture. Un gros allègement de budget, cela va sans dire. Fini le stress et l'énervement dans les bouchons, surtout quand vous vous êtes levé tôt exprès pour arriver à l'heure et que vous serez de toutes façons une heure en retard. Fini les PV et les pourparlers avec la police. Exit la haine du garagiste pompe-à-fric. Bonjour les arrêts de bus et la remise en service des parapluies et autre baladeur mp3. Bonjour les trajets entassé tel un bovin parmi les autres bovins, et vive l'observation des moeurs de nos contemporains. Les bus et les TER sont un laboratoire anthropologique qui pourrait suffire à 10 ans de thèses dans nos bonnes vieilles facs...

Preuve que tout n'est pas perdu : le continent de l'auto-reine est gagné par l'idée. Aujourd'hui est la 6è journée ville sans voiture à Montréal.
J'ai vu aux infos que plein d'animations sont prévues, comme l'accès gratuit au réseau de la STM (RATP locale) ou le prêt de vélos avec assistance électrique. Pour que chacun "prenne la chance" (comme on dit en québecois) de se rendre compte par lui-même que la vie en transports doux est juste mille fois plus douce.

Ma ville sans voiture est un défi. Le mot est bien choisi car en effet il y a une montagne de mauvaises habitudes à renverser. Mais le bien-fondé de cette démarche n'est plus à démontrer, d'autant que ce défi fait partie d'un ensemble bien plus large. A ce sujet, à visiter aussi, le site "DEFI CLIMAT"...pour ceux que ça intéresse...